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«Ce qu’il advint du sauvage blanc»

« Ce qu’il advint du sauvage blanc» de François Garde, prix Goncourt du premier roman 2012 relate une histoire inspirée de faits réels …

Au XIXème siècle, Narcisse Pelletier, un jeune matelot, est abandonné sur une ile australienne par son propre équipage parti à la recherche d’un peu d’eau douce.  Mais ce roman n’est pas un roman de survie, ce n’est pas une énième histoire de Robinson Crusoe, c’est un ouvrage sur la double culture ou plutôt l’impossibilité de la double culture quand elles sont aussi éloignées que l’australienne et la française.

La culture aborigène est si différente de nous, que toutes les notions fondamentales qui nous sont propres, celle de la propriété, celle de l’âge sont remises en question. Par exemple, on peut être considéré comme un enfant et traité comme tel bien qu’étant physiquement adulte si l’on n’a pas accompli les rites de passage nécessaire à l’acceptation dans le groupe des adultes.

Si l’histoire est véridique, François Garde avoue « s’être protégé derrière l’histoire vraie » n’en n’avoir gardé que l’essentiel : l’abandon et ses conséquences. L’objectif était d’écrire sur la perte totale de langage et de culture du héros, un phénomène extraordinaire, rare, et inexpliqué mais véridique. Tout le reste a été imaginé pour des raisons romanesques.

Contrairement à Robinson donc, Narcisse n’essaye pas de recréer la France et d’amener les aborigènes à lui…et de toute façon, il ne le pourrait pas, tant les hommes et les femmes qui peuplent cette ile inhospitalière étaient indifférents à sa présence.

Narcisse, entouré contrairement à Crusoé, a bien essayé de rester un occidental mais après quelques temps, il a senti qu’il allait y laisser sa peau, que la seule manière de survivre était de se laisser aller, ce qui explique certainement l’amnésie et l’acculturation. Pour autant, cela ne s’est sûrement pas fait sans douleur. Peu à peu, l’évidence s’est imposée, le héros a compris qu’il DEVAIT devenir aborigène, qu’il n’avait pas le choix s’il voulait survivre.

Les aborigènes, dont une des principales valeurs est celle du don, qui fonctionnent énormément sur le « don » offrent en échange des mots à celui qui finit par perdre la mémoire de sa langue, de sa culture, de son histoire.

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Quand enfin on le retrouve, on n’a de cesse de lui réapprendre les fondamentaux… Narcisse réapprend certes, mais refusent de raconter, il ne dit rien sur cette période de sa vie avec les aborigènes, c’est un homme qui a vécu trois vies complétement cloisonnées : avant le naufrage, une vie australienne, un retour à la vie française.

Roman d’aventures et non ouvrage anthropologique, l’ouvrage pose encore une fois, à bon escient, la question des modèles de pensée préétablis tels qu’on les concevait au 19ème siècle et tels qu’on continue à vouloir les imposer aujourd’hui…

Lorsqu’Octave de Vallombrun, l’homme qui recueille 17 ans plus tard un Narcisse complétement amnésique quand à sa vie d’avant, est chargé de le « ramener à la civilisation », il finit par douter. Après quelques temps, il prend conscience que cette façon de vouloir penser le monde, d’une manière unique, ne le mènera à rien, et qu’en aucun cas, cela ne résoudra le problème du mystère de Narcisse.

Vallombrun essaye alors d’inventer des nouveaux outils scientifiques de mesures et d’études, c’est le début de l’anthropologie et du structuralisme cinquante ans avant leurs véritables naissances.

« Ce qui me paraît essentiel c’est le dialogue, plus ou moins facile certes, entre les civilisations. Ne pas porter de jugement, porter un regard bienveillant vis à vis des autres cultures, c’est ça le message du livre », confie François Garde.

Florence Pescher

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