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C’est officiel, les Tunisiennes de moins de 35 ans doivent avoir une autorisation de sortie pour quitter le territoire

aéroportIl nous a fallu une matinée à courir et à supplier pour décrocher un rendez-vous téléphonique avec le responsable de la Direction de la police des frontières pour avoir une confirmation quant aux nouvelles instructions d’interdiction de voyage aux Tunisiennes de moins de 35 pour quelques destinations, telles que l’Algérie, le Maroc, la Jordanie, l’Egypte et la Syrie.

En effet, après avoir passé la matinée à tourner en rond à l’aéroport entre un responsable à l’autre, le commissariat de la police des frontières, qui se disait non concerné, nous a orientés vers la douane, soit au premier étage de l’aéroport de Tunis-Carthage, et ce à l’intérieur. Mais pour cela il nous a fallu un laisser passer que nul n’a voulu nous donner. Insistants, nous n’avons pas plié bagages; nous sommes restés aux portes des départs à guetter les douaniers qui passaient. Et puis, l’un d’entre eux a accepté de répondre à nos questions mais de manière furtive et superficielle.

Il avance: «Ces mesures ne concernent pas toutes les femmes de moins de 35 ans mais seulement quelques unes, tout dépend de l’historique de leurs voyages, et les pays qu’elles ont l’habitude de visiter; cela dépend aussi de la femme, de sa situation et de la raison pour laquelle elle quitte le territoire tunisien».

Baya : «Avez-vous reçu une circulaire claire qui met tout cela noir sur blanc?»

L’agent, gêné voire pressé de mettre fin à la conversation, nous répondit simplement «on ne peut pas vous confirmer ou infirmer l’information que vous détenez…»; souriant, il poursuit: «il faut aller à la direction générale de la police des frontières sise à la Place du 18 janvier, derrière le ministère de l’Intérieur, eux ils vous donneront toutes les informations nécessaires, mieux que nous… Après tout, vous avez le droit de savoir».

Nous avons rebroussé chemin et tenté de joindre à tort et à travers Mohamed Ali Aroui, chargé de la communication au ministère de l’Intérieur, qui, malheureusement, ne répond pas à nos appels. Réflexion faite, nous avons décidé de nous adresser directement à la direction générale des frontières qui nous a confirmé, enfin, l’information.

Sans scrupule et fermement, le directeur de la police des frontières nous a répondu par un «oui» sec à la question «est-il vrai que les Tunisiennes de moins de 35 ans doivent disposer d’une autorisation paternelle (si elles sont célibataires) ou maritale (si elles sont mariées) et ce pour se rendre en Egypte, Jordanie, Maroc, Syrie et Turquie?».

Baya : «Selon quels critères demandez-vous des autorisations à des femmes qui sont majeures et vaccinées? Et pour quelles raison ?»

Avant de raccrocher, il nous répond par «ceci nous concerne nous».

Fin de la conversation, et fin du mystère. Nous sommes à présent sûrs que cette histoire est bel et bien vraie: désormais, les Tunisiennes libres, majeures et vaccinées auront –tout de même- besoin d’une autorisation paternelle ou de leur époux «complément selon la nouvelle Constitution» pour passer la frontière et ce même pour se rendre dans un pays voisin.

Toutefois, notre enquête ne s’est pas arrêtée là. Une agente de la police des frontières de l’aéroport nous a finalement rappelés pour apporter son témoignage. M nous raconte: «ce n’est pas officiel, mais vrai, tout dépend de la femme, son état, si elle est “propre“ et “correcte“, elle n’aura aucun problème pour voyager».

Au final, voilà une «nouvelle loi» qui nous a passé sous le nez, les médias en parlent peu et les gens ne sont pas au courant, tout le monde gesticule lorsqu’on lui raconte, pousse des cris d’étonnement, des onomatopées bizarres mais nul ne veut comprendre le pourquoi du comment. Pourtant ces mesures, bien qu’elles soient pour des raisons sécuritaires, constituent une menace à la liberté de circulation des femmes tunisiennes. La première brique de l’iranisation de la Tunisie vient d’être placée dans un mur plus diviseur que celui de Berlin. A moins que ce soit simplement d’un processus de frein au «djhad» du «niqah».

Affaire à suivre, mais en attendant, le manque d’information est flagrant.

 

M.E.B

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