Les Tunisiens ne sont, manifestement, pas heureux ! Selon le dernier rapport (World Happiness Report 2017) de l’OCDE, qui classe les pays en fonction du degré de bonheur de leurs citoyens, la Tunisie se positionne au 102ème rang mondial alors que le voisin algérien occupe la 53ème place et le Maroc, la 84ème.

Ce malaise a un coût. En Tunisie, 98% des congés de longue durée dans la fonction publique sont liés à des maladies psychiatriques et font perdre à l’Etat, 172 mille journées de travail par an. C’est l’équivalent de 4,6 millions de dinars de pertes par an, selon une enquête d’investigation publiée en janvier 2017, par l’agence TAP.

“Un signe révélateur du malaise économique et social”

Dans les mois qui ont suivi la révolution, le nombre des consultation a progressé de 20% à l’hôpital Razi, à la Manouba. Les actes de consultation à cet hôpital, ont atteint 7914 en 2016 et rien que pour les trois mois de 2017, ils sont au nombre de 1914 actes, d’après DR Rim Ghachem Attia, psychiatre, psychothérapeute et chef de Service au sein de l’hôpital Razi.

Dr Attia ne veut, néanmoins, pas être alarmiste, face à ce chiffre, “bien qu’il soit un signe révélateur du malaise économique et social, il peut aussi, témoigner du climat de liberté dans le pays”.

Elle assure par ailleurs, que les tentatives de suicide ont presque quintuplé (enquête 2015), ajoutant qu’elles sont liées à des conditions socio-économiques. “C’est beaucoup plus réactionnel qu’endogène.Il s’agit beaucoup plus de femmes que d’hommes, âgées entre 25 et 35 ans”.

De son côté, Dr Afef Karaoud Chrad, psychiatre dans le privé reconnait que la dépression et les troubles anxieux ont un impact sur la production et la productivité au sein des entreprises. “Dans certains cas, la thérapie exige l’éloignement des patients de leurs lieux de travail sous forme de congés de longue durée. Mais la dépression est toujours très mal prise en charge en Tunisie, les gens croient que ça n’arrive qu’aux autres alors qu’il faut prendre au sérieux cette maladie qui devient une maladie physiologique et héréditaire”.

Augmentation des ventes des sédatifs et des antidépresseurs

Du côté des pharmacies, le malaise des Tunisiens se sent à travers l’augmentation des ventes de sédatifs et d’antidépresseurs. Dans une grande pharmacie d’El Manar, un quartier huppé de Tunis, le pharmacien de service, a déclaré qu’il en vendait, sans ou avec ordonnance, 10 paquets et même plus chaque jour. “Ces médicaments sont à la portée de tous, car leurs prix varient entre 3 à 5 dinars le paquet, mais les antidépresseurs à base de plantes sont beaucoup plus chers et donc sont moins accessibles à tous”.

La dépression et les troubles de l’anxiété coûtent à l’économie mondiale 1000 milliards de dollars (US $) par an, selon un rapport de l’Organisation Mondiale de Santé (OMS), publié en 2017 en se basant sur des chiffres de 2015. La situation pourrait encore empirer, car selon l’OMS, la dépression devrait devenir en 2020, la première cause de morbidité chez la femme et la deuxième chez l’homme (après les maladies cardiovasculaires).


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