Baya.tn

Bochra Belhaj Hamida, femme démocrate mais femme tunisienne avant tout!

A l’occasion de la fête de la femme, Baya a été à la rencontre de Bochra Belhaj Hamida, avocate, membre des femmes démocrates et députée à l’ANC pour avoir ses impressions sur le statut de la femme tunisienne dans la Tunisie d’aujourd’hui.

Baya: L’inégalité homme/femme est apparemment remise à l’ordre du jour avec le fameux “femme complémentaire de l’homme”?

Bochra Belhaj Hamida: Depuis le 14 janvier, on vit sur le rythme des sautes d’humeur d’Ennahdha. Ils s’étaient pourtant engagés à ne pas remettre en cause le statut personnel mais ils n’arrêtent pas d’envoyer des ballons d’essai: polygamie, filles-mères, vieilles filles qu’il faut à tout prix marier…Chaque fois qu’ils en ont l’occasion, ils essaient de faire passer des articles rétrogrades. Contrairement au discours officiel, surtout celui qu’on entend à l’étranger, Ennahdha est loin d’être un parti modéré. Ce jeu doit cesser. Ennahdha ne représente qu’une partie de la Tunisie et pas toute la Tunisie. Il faut que le gouvernement nous représente tous et toutes. Les acquis de la femme sont un des fondements de la république, ils sont intouchables.

Baya: Donc, Ennahdha tient bien un double discours?

Bochra Belhaj Hamida: C’est clair. Ils déclarent que les changements viendront des désirs profonds de la société tunisienne et que cela se fera naturellement mais en même temps ils essaient de forcer les choses. Ils veulent opérer des changements fondamentaux mais la société civile est très vigilante. Je ne crois pas qu’il y aura une régression. Je suis aussi convaincue que ces “ballons d’essai” sont destinés à épuiser toute l’énergie de la société civile pour faire passer en douce des lois électorales qui serviront leurs intérêts lors des prochaines élections.

Baya: Que pensez-vous de la polémique du voile?

Bochra Belhaj Hamida: Le voile était déjà politisé du temps de Ben Ali. Ennahdha en a fait son cheval de bataille. Le corps de la femme est instrumentalisé à des fins politiques. Pour moi, le voile est une liberté individuelle. La femme a le droit de le porter ET le droit de ne pas le porter. En Tunisie, le port du voile n’est pas lié uniquement à des motifs religieux. Il est souvent imposé par la famille, il est parfois porté par désespoir, ou même pour avoir une liberté impossible autrement…vaste sujet que le voile!

Suite page 2

Baya: Le code du statut personnel doit-il se détacher complètement de toute attache religieuse?

Bochra Belhaj Hamida: C’est un faux débat. Le code du statut personnel a été écrit par des musulmans, il ne faut pas l’oublier. Les valeurs de l’Islam doivent être respectées, je dis bien les valeurs, je ne parle parle pas de textes interprétés d’une manière injuste et misogyne. A l’époque de l’arrivée de l’Islam, les femmes étaient considérées comme une marchandise. L’Islam les a valorisées. Il faut comprendre l’esprit de la religion qui est très loin des interprétations réductrices qu’on en fait. Les femmes doivent être reconnues comme des citoyennes à part entière.

Baya: Que dire de la présence de la femme dans les postes-clé de la politique tunisienne?

Bochra Belhaj Hamida: C’est une honte qu’il y ait aussi peu de femmes au gouvernement, seulement 2 femmes ministres??? Nous avons complètement été laissées de côté. Ce gouvernement a fait exactement ce qu’on reprochait à Ben Ali, des femmes-alibi. Et c’est loin d’être limité à Ennandha, le même reproche peut être fait au CPR et au TAK.

Baya: Le risque d’être “iranisé” est-il réel?

Bochra Belhaj Hamida: Il n’y a aucune chance que cela arrive chez nous! Nous sommes très différents de l’Iran  à bien des égards, à commencer par l’exposition internationale. De plus, la société civile tunisienne est très forte. Elle a déjà réussi à faire échouer les projets d’Ennahdha comme celui de la chariaa dans la constitution. Au début du mois d’août, par exemple, on a aussi réussi à virer un texte sur les libertés. Contrairement à ce qui était proposé, seule la loi définira les limites de la liberté, pas la morale, ni le sacré. Les tunisiennes et la Tunisie sont un modèle pour toutes les femmes et les pays musulmans. Il n’est pas question de devenir une copie des oligarchies arabes.

Baya: Quels sont vos objectifs au sein des femmes démocrates et en tant que citoyenne?

Bochra Belhaj Hamida: En tant que femme démocrate, constitutionnaliser les droits des femmes et mettre en place les mécanismes qui garantiront cette égalité et militer pour que les lois électorales garantissent la présence des femmes. Le gouvernement doit être paritaire. En tant que citoyenne, je continuerai à militer pour les droits des femmes et une complète égalité.

L’interview se termine par un grand sourire: “J’adore le prénom Baya. C’est celui de ma grand-mère. Si j’avais eu une fille, je l’aurais appelée Baya”. Nous, à Baya, cela nous a touchés.

Sonia Bahi Fellah

 

Quitter la version mobile